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mardi 3 février 2009

LES UIR PROTERRE: UN CONCEPT A REVOIR ?

Je mets en ligne, ci dessous, un article signé de ma main, que les cahiers du CESAT (collège d'enseignement supérieur de l'Armée de Terre) me font l'honneur de publier dans leur numéro 15, qui vient de paraître.

Les Unités d’Intervention de Réserve (UIR) ont été crées il y a plus de 10 ans sous le vocable d’Unités de Réserve de Régiment Professionnel (URRP). Constituées à l’origine de trois sections de combat et d’une section de commandement armées par du personnel sous ESR, elles ont évolué vers une structure à deux sections de combat et une section de commandement formées par des personnels sous ESR, plus deux sections de combat dont les personnels sont des « disponibles ». Dans le même temps, les sections de combat ont perdu leurs armes collectives et une partie de leurs véhicules.
Par ailleurs, l’apparition du concept PROTERRE, en créant une structure d’unité élémentaire à deux sections, a provoqué une confusion entre la structure organique des UIR et celle des UE PROTERRE. Cet état de fait, dû peut-être à la prééminence des engagements en OPINT (VIGIPIRATE) tend à centrer l’entraînement des UIR sur le format PROTERRE. Or, cette dérive cause une diminution des capacités et des savoirs faire des unités de réserve, alors même que le durcissement des conflits dans lesquels nos forces sont engagées et la baisse des effectifs devraient inciter à maximiser les capacités des UIR.
En la matière, si l’état des lieux ne semble guère reluisant, il n’en reste pas moins que des solutions sont à notre portée et doivent être mises en œuvre.

L’EMPLOI CONTRAINT AU FORMAT PROTERRE
Deux des quatre sections de combat des UIR sont formées de personnels soumis à l’obligation de disponibilité. Force est de constater que ces deux sections ne sont jamais entraînées.
La réglementation actuelle, en limitant les possibilités d’activité de ces sections à cinq jours par période de cinq ans y est pour beaucoup. Pourtant, ces personnels disponibles, non obligatoirement issus du régiment où ils sont affectés, ne se connaissant à priori pas, auraient besoin d’un entraînement adapté pour pouvoir être engagés rapidement avec les autres personnels de l’UIR.
Par ailleurs, l’absence de lien avec leur unité d’appartenance fait craindre qu’en cas de rappel, une partie de l’effectif ne rejoigne pas ou tardivement. L’expérience des convocations verticales des régiments de réserve a démontré qu’il existe toujours un taux de fuite, variable suivant les circonstances et les régions.
Enfin, une fois les effectifs complets, ces sections devraient obligatoirement subir une mise en condition opérationnelle, ne serait ce que pour permettre à chacun de retrouver ses marques et de créer un minimum de lien tactique[i]. On peut, sans s’avancer outre mesure, estimer que ce processus durerait de six à huit semaines.
Par conséquent, il devient évident que les UIR seraient, au moins dans un premier temps, engagées sous un format PROTERRE ou PROTERRE renforcé (avec la section commandement complète).


LES FAIBLESSES DU MODELE PROTERRE
Avec un effectif calculé sur celui de la plus petite unité élémentaire de l’armée de terre, la compagnie PROTERRE souffre de nombreux défauts.
En premier lieu, la réduction à l’extrême de la section de commandement – réduite à moins d’un groupe – interdit toute constitution d’un train de combat. L’unité n’a donc pas d’autonomie logistique, ce qui signifie que soit l’échelon supérieur assure l’essentiel des fonctions du TC1, soit les sections consacrent des moyens pour assurer des tâches logistiques. Dans le premier cas, le glissement de tâches vers le TC2 contraint à augmenter la taille de celui-ci pour assurer l’intégralité de la manœuvre logistique. Dans le second cas, cela implique de désengager périodiquement une section pour effectuer les recomplètements. En finale, les deux solutions limitent l’autonomie de l’unité PROTERRE.
En deuxième lieu, le commandant d’unité n’ayant pas d’adjoint, la permanence du commandement ne peut être assurée sur la durée. L’unité PROTERRE ne peut donc pas assurer de missions dont la durée ou le rythme dépasseraient la capacité de durer du seul commandant d’unité. Là encore, cette contrainte limite les possibilités d’emploi de l’unité.
En troisième lieu, on relève que l’unité PROTERRE ne dispose d’aucun armement collectif, bien que la notice sur l’entraînement des unités PROTERRE précise qu’elle peut en être dotée en fonction des circonstances. Pour autant, ce type d’armes ne figurant pas au DUO, la tendance est de ne plus s’entraîner à les mettre en œuvre et à les employer. Or, une dotation en armes collectives – ANF1 et LRAC ou AT4 – permettrait de compenser en partie le faible effectif des unités PROTERRE.
En quatrième lieu se pose le problème des véhicules : les sections d’une UIR ne disposent que de deux TRM 2000 pour trois groupes. Cette dotation indigente, outre le fait que la camionnette tactique n’assure aucune protection aux personnels, fait peser une contrainte démesurée sur la mobilité des sections. Du coup, le commandant d’unité se voit contraint de créer un échelon de transport et de déplacer ses sections une par une.
En dernier lieu, la compagnie PROTERRE n’est composée que de deux sections, défaut majeur qui réduit de manière très conséquente les options tactiques offertes au capitaine. En effet, avec deux sous-unités, le commandant d’unité est réduit à un rôle de coordinateur [ii]. Il se retrouve face à un choix binaire : soit engager ses deux sections et se passer pratiquement d’élément d’intervention (sauf à jouer sur l’articulation, mais l’élément en réserve sera de faible volume), soit engager une seule section et conserver l’autre en soutien[iii]. Ce faible nombre de possibilités de base limite la capacité d’adaptation des unités PROTERRE et ce phénomène semble ne déranger personne. On peut noter à ce sujet que les rédacteurs de la notice sur l’instruction des unités PROTERRE ont éludé le problème en proposant, au chapitre sur le combat de la compagnie, aux commandants d’unités de se reporter au combat de la section, laquelle est constituée de trois groupes !


VERS DES SOLUTIONS
Malgré ce bilan peu satisfaisant, il est possible de compenser, au moins partiellement, les défauts cités supra.
Toutes les solutions immédiatement à portée de tout capitaine commandant une UIR ont pour objectif la rentabilisation maximale des moyens existants. A ce titre, toutes les mesures de nature à atteindre cet objectif reposent sur deux piliers : l’entraînement et le choix de l’articulation.
Un des buts principaux de l’entraînement doit être d’une part de permettre aux chefs de laisser à leurs subordonnés une marge d’initiative suffisante et d’autre part d’apprendre à ces derniers à l’utiliser au profit de la réalisation de la mission.
Précisément, il s’agit d’abord de développer les compétences tactiques des cadres (commandant d’unité, officier adjoint, chefs de section et SOA, chefs de groupe) en combinant des exercices en salle – thèmes tactiques, logiciels de simulation, caisse à sable – et sur le terrain. Pour ce qui est du commandant d’unité, ces séances doivent, entre autres choses, lui donner l’habitude de manipuler un nombre variable de sections, afin de conserver ou d’acquérir la capacité à manœuvrer plus de deux sections.
Simultanément, il faut développer un lien tactique fort entre chaque chef et ses subordonnés. Ce lien, qui ne s’acquiert qu’au fil d’un long travail commun est le corollaire de la confiance qui doit exister entre chaque membre de l’unité. C’est ce lien qui permet à un subordonné – chef de section ou chef de groupe – de réagir rapidement dans le sens de l’intention du chef à une situation inopinée. C’est donc un élément clé de la capacité d’adaptation de l’unité. C’est aussi ce qui permet au chef de laisser à ses subordonnés une autonomie de plus en plus indispensable.
Par ailleurs, et toujours dans le cadre de la rentabilisation des moyens, un effort particulier est à faire en faveur de l’entraînement des groupes de combat, afin de les amener à un degré d’autonomie peu pratiqué jusqu’ici.
Pour ce faire, les activités doivent mettre l’accent sur le combat du groupe, le tir (l’ISTC), l’aguerrissement et la rusticité. De plus, il est nécessaire d’entraîner les groupes de combat à la mise en œuvre et à l’emploi des armes collectives disponibles : ANF1, LRAC, mitrailleuse de .50. En tout état de cause, et malgré les difficultés liées à l’irrégularité de la présence de certains personnels, le perfectionnement des groupes de combat des UIR doit être une priorité absolue du commandant d’unité[iv].
L’articulation est – rappelons le – fixée par le commandant d’unité pour adapter son unité à la manœuvre qu’il envisage. Une vieille habitude veut que l’on utilise l’articulation organique, ce qui simplifie les choses dès lors que l’unité dispose de suffisamment de pions (trois ou quatre). Malheureusement, les UIR PROTERRE ne sont pas dans ce cas. Or, ne pas se contenter de l’articulation organique, c’est ouvrir de nouvelles possibilités tactiques.
Et ce tout d’abord dans le domaine du soutien logistique. En la matière, il paraît indispensable de disposer d’un TC1 suffisamment bien calibré pour que l’unité dispose d’une autonomie suffisante. Chaque UIR disposant d’une section de commandement sous ESR, il faut par conséquent systématiquement inclure cette section au DUO « opérationnel » de l’UIR[v].
Ensuite dans le domaine du commandement. Comme toute unité élémentaire, les UIR disposent d’un officier adjoint. Nonobstant la structure PROTERRE, cet officier doit être engagé avec son unité, tant il est partie prenante de la capacité de commandement. Car sans adjoint au commandant d’unité, il ne peut y avoir de permanence du commandement, donc pas d’engagement sur un mode continu, sauf au prix d’une « combustion » rapide du capitaine.
Enfin en ce qui concerne l’articulation des sections de combat. En cherchant à adapter son outil aux circonstances, le commandant d’unité peut être amené à créer une troisième sous-unité. Par exemple, en retirant 1 groupe à chaque section – ce nouveau pion étant placé aux ordres d’un SOA, ou bien en coupant une section en deux, ou bien encore en retirant des trinômes à chaque section. Même si toutes ces formules ne remplacent pas une troisième section, elles peuvent permettre de disposer momentanément d’un élément de couverture, d’appui ou de recueil. Si l’unité dispose d’armes collectives, les possibilités sont plus nombreuses, allant de la constitution d’une base de feux en rassemblant au sein d’une nouvelle sous-unité tout ou partie des ANF1, à la création d’une entité anti-véhicule ou anti-blockhaus sur la base des LRAC. Dans le même ordre d’idées, on peut envisager aussi le regroupement des meilleurs tireurs au sein d’un groupe chargé d’une action particulière. En bref, il s’agit d’adapter des moyens réduits aux nécessités de la mission pour en tirer la meilleure efficacité.
Toutefois, quelque soit la créativité des commandants d’unité d’UIR, l’exercice aura tôt ou tard ses limites. C’est pourquoi l’effort de rentabilisation des moyens ne doit pas nous dispenser d’une réflexion sur la structure des UIR, leurs moyens et leur doctrine d’emploi.


QUELQUES PERSPECTIVES
Compte tenu du contexte actuel de restructuration de l’armée de terre, il semble difficile de pouvoir échapper à une remise en question des structures des UIR.
Dans ce cadre, il serait envisageable de constituer des UIR à trois ou quatre sections de combat formées de personnels sous ESR. De ce fait, ces unités pourraient être engagées sous un préavis assez court. De plus, ces unités élémentaires de réserve pourraient plus facilement qu’aujourd’hui mettre sur pied une unité PROTERRE standard, pour des engagements de type VIGIPIRATE.
Par ailleurs, les disponibles pourraient être affectés à des UIR de « deuxième réserve », opérationnelles après une mise en condition plus longue.
Ainsi, il serait possible de mettre sur pied 40 à 50 UIR de première réserve et un nombre égal d’unités de deuxième réserve. Les deux types d’unités étant de même pied et disposant de capacités valables.
En complément, il sera nécessaire de revoir l’équipement des UIR en adéquation avec des hypothèses d’emploi élargies pour anticiper les engagements futurs. Revoir les dotations en armes collectives, en moyens de transmission, en véhicules – en dotant par exemple les UIR de VAB – est un exercice qu’il faudra faire sans trop tarder.
Au-delà, l’armée de terre doit entamer une réflexion sur la doctrine d’emploi des unités de réserve, sans se limiter aux OPINT de type VIGIPIRATE, pour prendre en compte l’éventualité d’engagements plus durs.
Dans ce chantier qui s’annonce, les officiers de réserve doivent prendre toute leur place, faire part de leurs idées et de leurs expériences, afin d’arriver à des solutions optimales, dans l’intérêt de la défense de la France.




[i] Sur la notion de lien tactique, voir l’ouvrage de G. HUBIN, Perspectives tactiques
[ii] Cf. Tactique Théorique, M. YAKOVLEFF
[iii] Dans le sens de la définition donnée par M. YAKOVLEFF, « être en mesure d’appuyer ou de prendre le combat à son compte »
[iv] Aidé et soutenu par le BOI, c’est indispensable.
[v] Bien entendu, cette remarque ne vise pas les OPINT de type VIGIPIRATE.

1 commentaire:

SD a dit…

Bonjour,
Effectivement, les structures PROTERRE ne semblent plus tout à fait adaptées à toutes les unités qui remplissent les missions communes de l'armée de terre. Ce que l'on veut faire de notre réserve et de l'active sur le terriroire national me parait essentiel (10 000 hommes à déployer selon le Livre blanc)
Il me semble que les concept/doctrine Proterre étaient en cours de refonte début 2008. Il ne faut pas désespérer.
Pourquoi ne pas aller au-delà des structures actuelles de la réserve : en (re)créant une garde nationale pour le territoire (peu d'entrainement et recrutement large) et une réserve militaire (entrainement similaire à l'active et selection) pour les combats plus durs que vous évoquez.
En tout cas, bravo pour votre blog.
http://pourconvaincre.blogspot.com/